Faire confiance : le défi des nouveaux managers !
J’entends de plus en plus parler d’entreprises libérées, de nouvelles politiques managériales qui reposent sur l’évaluation des objectifs et non le pointage des heures ou même de vacances illimitées.
Toutes ces mesures/ nouveautés devraient favoriser le bien-être en entreprise, la prise en compte de l’être humain et de l’équilibre vie professionnelle, vie personnelle dans un contexte où les maladies professionnelles se multiplient (burn-out = explosion – trop de stress, épuisement/ bore-out, = dépression, ennui profond/ brown-out = répétition de tâches sans sens).
Concrètement, j’ai l’impression que dans les entreprises où ces nouvelles politiques sont implantées les gens se sur-responsabilisent et peuvent atteindre tout aussi bien de haut niveau de stress. L’avantage du temps de travail et du nombre de jours de congés fixes sont que normalement on ne peut pas le dépasser et on doit poser ses congés. Cela crée un cadre, des limites rassurantes dans une société de choix extrêmement prolixe.
Pour moi ces mesures sont un intermédiaire intéressant, du tatonnage qui prouve que notre société est en transition/ en mouvement à travers notamment la gouvernance des entreprises.
Je n'ai pas encore trouvé de source qui fasse le bilan de ces mesures car elles sont peut-être trop récentes mais dès que je trouve un article pertinent en terme de mesure d'impact je le publie sur le blog.
J’ai suivi le MOOC de l’Université du Nous sur la Gouvernance Partagée qui m’a sensibilisé à l’importance de la posture. Avant de vouloir changer l’organisation pour proposer un renouveau au système hiérarchique, pour libérer les travailleurs des contraintes des petits chefs et leur permettre d’être plus épanouis, plus équilibrés et donc aussi plus concentrés sur leur mission dans les temps de travail, il faut apprendre à faire confiance et à lâcher prise pour les managers. L’organisme est un feu d’artifice qui évoluera à la lumière des explosifs / des lumières qui le compose.
Quelques idées pour entamer une transition en profondeur
1) Définir en amont quels sont les objectifs pour le collectif
Il est indispensable que les personnes qui détenaient le pouvoir aient envie d’aller vers une gouvernance partagée sinon ils feront toujours obstruction.
Prendre soin du chemin ET du résultat, c’est prendre en compte les individus qui composent le collectif tout au long du processus mais aussi avoir des indicateurs qui permettent d’évaluer les objectifs et d’être exigeant sur ce qu’on veut obtenir. N’oublions pas que les entreprises sont avant tout des entités qui ont leurs propres objectifs qui ne doivent pas être impactés par un processus de transformation humaine ; au contraire ils doivent en profiter, une organisation plus fluide contribue à de meilleurs résultats.
Il est donc essentielle que la liste des objectifs comprennent ceux de l’entreprise en tant que productrice de richesse, ceux des différents partis de l’entreprise pour faire évoluer le collectif dans sa globalité et sa diversité et enfin les objectifs de gouvernance, vers quel modèle d’organisation du pouvoir voulons nous tendre ?
2) Poser un cadre de fonctionnement
Les objectifs permettent de savoir vers où on va, c’est donc un préambule à tout travail collectif mais ce mettre d’accord sur le processus de fonctionnement dans l’organisme c’est tout aussi important.
Par exemple, pour un groupe qui se réunit pour organiser un événement type festival, c’est important dès la première réunion, de définir par quel moyen communiquer pendant la durée du projet (Slack/ Trello/ Facebook/ Drive...), le mode d’organisation des réunions (avons nous besoin d’un facilitateur ? Comment allons-nous prendre nos décisions ?) et quels sont les rôles essentiels du projet.
J’ai expérimenté dans un événement que je co-organisais pour une association avec un groupe de bénévoles, une multiplication des rôles et des moyens de communication au fil de la préparation du projet.
On confond souvent le rôle avec la personne qui le remplit.
Les rôles (coordination des animateurs d'ateliers, déjeuner, lien avec le lieu qui nous accueille…) n'ont pas été limités en amont. Ils se sont alors multipliés pendant la phase d'organisation alors que les rôles essentiels n’étaient pas tous remplis et reposaient donc sur un noyau de personnes prenant plus de responsabilité. Les personnes qui voulaient trouver leur place dans le groupe (car elles rejoignaient l’aventure en cours de route ou ne se sentaient pas suffisamment valorisées dans l’organisation), proposaient un nouveau rôle/ mode d'organisation qui ne faisait que complexifier l’organisation à chaque fois. Même avec les meilleures intentions de partager les responsabilités, de créer une organisation fluide et de prendre en compte le potentiel de chacun, ce chaos organisationnel m’a invité à me questionner sur les clefs d’une bonne organisation.
3) Le travail sur la posture
Nous avons de vieux réflexes scolaires ou d’organisation hiérarchique en entreprise qui ne facilite pas une transition vers plus de partage des responsabilités. Les prédispositions traditionnelles comme "j’ai l’habitude de prendre des décisions", "d’imposer mon avis", "de couper la parole" ou au contraire "de me taire" et "de laisser parler les autres", prennent souvent le pas sur la pertinence des interventions, l’écoute et la construction d’idée ensemble.
Pour remédier à ça de multiples modes d’organisation de réunions sont proposées par la sociocratie, l’holocratie par exemple mais ce n’est pas suffisant d’imposer un modèle de fonctionnement sur des comportements qui n’ont pas changé. Je crois que c’est modèles/ techniques sont avant tout inspirant pour créer son propre modèle à partir de l’identité unique du collectif dont on fait partie. Pour une organisation qui souhaite créer une transition en profondeur dans sa gouvernance, se faire accompagner par un intervenant externe comme l’Université du Nous (les concepteur du MOOC) ou un facilitateur indépendant me semble d’ailleurs indispensable afin de trouver sa voix.
Ensuite, travailler sur sa posture peut être réalisé grâce à des formations action en Communication Non Violente par exemple ou par du partage de bonnes pratiques en groupe de pairs sur ces questions.
C’est dans ce cadre qu’on me suggérais récemment que lorsque l’on a absolument envie de proposer son idée, qu’on est pressé de prendre la parole à l’occasion d’une réunion par exemple, c’est souvent qu’il y a un enjeu personnel derrière et que ça vaudrait la peine d’attendre un peu avant d’intervenir pour séparer le contenu des objectifs et checker s’il est toujours pertinent d’intervenir. J’ai trouvé cette remarque extrêmement aidante dans ma propre participation a des réunions.
4) Combattre la légende de la meilleure décision
Dans notre culture, prendre une décision, c’est réfléchir, comparer les idées pour trouver la solution la plus pertinente. Le processus de créativité via les outils d’intelligence collective est construit différemment. On prend le temps de poser le cadre de la décision et ensuite quelqu’un propose une solution qui n’est pas forcément la meilleure mais qui sera adoptée si personne n’a d’objection à la proposition. Ce processus permet de lâcher prise, d’éviter les batailles interminables d’égos et surtout les luttes cérébrales internes tel que « J’aurais du faire ceci… » ou « Si on avait su cela… ».
A un moment « t », on prend une décision avec les éléments dont on dispose et c’est une des solutions qui auraient pu être abordées, pas l’unique, peut-être pas la meilleure mais elle fonctionne. C’est la fluidité de la prise de décision, la liberté de prise de parole pour chacun qui permet, sur le long terme, de libérer l’entreprise et de faciliter la confiance entre ses membres.
Cet article est le fruit de mon expérience en montage de projet, des enseignements que j’ai tiré du MOOC de l’université du Nous mais aussi de quelques jours de formation sur la sociocratie et de divers vécus de méthodologie d’intelligence collective.
Je suis tout à fait ouverte aux critiques, commentaires, questions pour créer du débat car pour moi nous sommes dans un moment clef de transition des modes de gouvernance. Mode de gouvernance qui je l’espère vont évoluer dans l’entreprise mais aussi dans l’éducation par une revalorisation des choix de l’enfant/ l’adolescent et des modèles d’organisations de classes différents.