Se nourrir de la connaissance du passé pour ne pas répéter les mêmes erreurs
Voilà un article que j’ai envie d’écrire depuis longtemps mais je me demandais comment le lier avec les sujets que je traite dans mon blog…
Quelques évènements d’actualités m’ont convaincu de l’intérêt de sa parution.
Il y a environ un mois j’ai regardé le film Hannah Harendt et j’ai découvert son travail sur l’origine du mal. Cette femme était juive, née en Allemagne et avait émigré aux Etats-Unis pendant l’Holocauste. Le film retrace ses interrogations et ses prises de parti sur les motivations des fonctionnaires nazis, après avoir couvert le procès d’Adolf Eichmann, un criminel de guerre responsable de la déportation de millions de Juifs. Elle écrit sur cette période où de nombreuses personnes se sont privées de leur humanité en décidant d’appliquer la loi même si celle-ci était profondément raciste. Lorsqu’elle prend position pour dénoncer ce système pervers où chacun se défait de son esprit critique au profit des règles imposées par l’organisation collective, beaucoup de ses amis se détournent d’elles en l’accusant de défendre les nazis. Sa prise de position lui vaut d’être marginalisée de son entourage intellectuel. Pourtant, ce film lui rend hommage en montrant une femme qui cherche à comprendre les causes profondes d’un génocide qui dépasse l’entendement, une femme qui s’interroge sur la nature de l’être humain en société.
J’ai commencé mes études supérieures par une licence d’histoire et une des matières qui m’a le plus marqué est ce qu’on appelle l’historiographie, c’est à dire la manière de faire l’histoire. Quel point de vue compte, quelles sources on utilise, comment on raconte l’histoire ? Ce sont les questions auxquelles on tente de répondre à travers ce domaine d’étude. Or, en France la prise de parti est de faire étudier à l’école l’histoire des grands hommes, l’histoire des dates et des batailles. On se concentre sur des évènements plutôt que des contextes. Au brevet par exemple, il y a une série de dates à apprendre par cœur sans forcément connaître les enchainements d’évènements. La France est un des pays où l’histoire occupe la place la plus importante. Les élèves commencent à l’étudier en primaire et finissent pour la plupart en fin de lycée. Des années d’apprentissage et je m’interroge sur ce que retienne les jeunes ? Les français sont aussi très friands de revues historiques, c’est un des seuls pays où ces magazines se vendent à un si grand nombre d’exemplaires. Je partage cet attrait pour la compréhension du passé mais j’aimerais que celui-ci soit plus tourné dans une perspective philosophique et contemporaine. Comment développer son esprit critique à travers l’analyse de l’histoire ? Quelle succession d’évènements fait émerger des contextes propices à l’extrémisme par exemple ? Analyser les guerres et les moments de paix pour comprendre les causes de celles-ci et s’inspirer des solutions mises en place dans le passé. Investir les étudiants dans ces recherches leur permettrai aussi de tirer leur propre conclusion, de créer des discussions entre les élèves.
Cette réflexion m’est revenue récemment à l’occasion du référendum pour l’indépendance de la Catalogne. J’ai eu l’occasion de discuter avec des jeunes catalans de 17, 18 ans sur cette question et j’étais surprise de découvrir une telle passion pour le nationalisme. Nationalisme que je croyais de plus en plus éteints en Europe dans les nouvelles générations. J’écoutais leurs arguments économiques avec attention, ils veulent que leurs impôts leur profite directement et ne croit donc pas à l’Etat redistributeur. En tant que Française, j’ai l’impression que le fait que les enfants soient scolarisés dans les écoles publiques en catalan et que la région dispose de ses propres institutions est garant du respect de la diversité et de la richesse régionale. J’ai donc du mal à comprendre que des jeunes s’engagent dans cette lutte pour l’indépendance même si elle pourrait aboutir à la remise en cause de la paix qui existe en Espagne et au démantèlement de l’Etat...
Je suis engagée dans la formation pour accompagner la mobilité des jeunes (volontaires ou travailleurs de jeunesse) en Europe pour transmettre cet esprit critique ou accompagner son émergence. J'aimerais pouvoir organiser des formations historiographiques où on s’inspirerait du passé : de sources sur les nationalismes régionaux aussi bien en Espagne que dans d’autres régions du monde par exemple pour permettre aux jeunes de prendre leur décision en connaissance de cause, d’utiliser tout leur sens critique pour s’engager dans le monde au plus proche de leur valeur et non de celles transmises par les structures politiques qui les entourent.
Si cette article vous touche et que vous voyez d’autres exemples autour de vous où le travail de l’esprit critique pourrait nourrir la démocratie et faire avancer notre société vers plus de coopération et d’humanité, je vous invite à les partager.