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Le modelage, une ressource clef pour la formation (2/2)

J’ai réalisé cette mind-map pour préparer une journée de formation autour de la sculpture à l’occasion de la semaine « Create your place » où j’accompagnais 22 travailleurs sociaux européens à apprivoiser les techniques de créativité.

J’en profite pour la partager avec vous en vous explicitant ces différentes parties autour d’exemples d’ateliers que j’ai mené.


Tout d’abord pourquoi la sculpture ?


J’ai commencé à modeler à 6 ans dans les ateliers de Natasha Mercier et je n’ai jamais pu arrêter. Cette connexion avec la terre, avec la matière me permet d’arrêter le temps, d’être fidèle à moi-même et d’être actrice de création.


C’est tout cela que j’avais envie de transmettre à travers des ateliers qui placent la terre au cœur de l’accompagnement. J’ai d’abord expérimenté cette idée dans mon laboratoire d’innovation : Activ’Action où j’ai invité des chercheurs d’emploi à venir se connecter à leur créativité via un atelier de 3 heures où je mêlais dessin et modelage à travers des échanges avec soi-même et avec le groupe.


Cet atelier m’a permis d’affiner mes techniques, de choisir celles qui favorisaient le lâcher-prise le plus total mais aussi de théoriser l’impact d’un outil que je valorisais instinctivement.


Quel est le cœur de l’expérience que je fais vivre à mes participants ?


D’abord, je leur propose un exercice d’œuvre collective comme le cadavre exquis de l’école surréaliste. Les participants doivent dessiner à tour de rôle un personnage de la tête aux pieds. Il plie à chaque fois la feuille pour que la personne suivante ne puisse pas voir la première réalisation, mais laisse deux traits minimum, pour la continuité.



Chaque personnage va donc avoir plusieurs contributeurs, créateurs.

On affiche ensuite les œuvres d’art et on fait un débriefing sur le processus de création et le résultat.

En fonction des groupes, les constats sont différents mais tous sont d’accord pour dire que dans cet exercice ils ont dû lâcher prise sur le résultat même « s’ils ne savaient pas dessiner » (la croyance limitante contre laquelle je lutte) car ils n’avaient pas de contrôle sur l’œuvre finale. Ils sont aussi d’accord pour trouver que les résultats sont harmonieux, qu’ils dégagent quelque chose même s’ils ne sont pas tous beaux.


Ce premier exercice permet de préparer l’état d’esprit des participants pour la création personnelle. Ils ont ensuite 30 minute pour modeler un morceau de terre de leur choix.


Ils ont la consigne de rester dans l’état d’esprit de lâcher prise, de se concentrer sur leur processus de modelage et non sur un résultat à atteindre. Les 15 premières minutes se déroulent en musique puis le reste du temps est en silence. Les participants ont le choix de se bander les yeux pour créer une bulle plus individuelle et mieux se connecter à l’expérience de toucher.


Suite à cette expérience, on se réunit en groupe de 10 personnes maximum pour faire un débriefing sur tous les sentiments que les participants ont éprouvés et sur le processus de création qu’ils ont vécu. Cet échange permet d’ancrer les apprentissages par la parole mais aussi de faire effet miroir avec les autres, de développer sa qualité d’écoute et d’empathie.


Nous allons maintenant analyser les impacts de cet atelier en reprenant la structure de la mind-map que je vous ai présenté en début d’article.

1) La connexion

C’est un exercice qui permet de mieux se connecter à soi et aux autres pour trouver/ créer sa place dans le monde.


Le participant a un temps spécifique à l’occasion de la création personnelle pour se concentrer sur soi. Il y a une règle émise par le facilitateur pour protéger le silence. Pour faciliter la déconnexion, on peut proposer de faire un exercice de respiration avant d’entamer la phase de création.


Afin de créer une ambiance bienveillante dans le groupe, j’invite les facilitateurs à proposer un jeu brise glace pour que les participants puissent apprendre à se connaître (autour des noms, des rêves, des hobbies). A trouver en fonction du public et du contexte d’intervention. L’œuvre collective (via le cadavre exquis) crée ensuite un lien physique, une réalisation en commun qui tisse l'esprit d’équipe. Enfin, pendant le débriefing, l’effet miroir entre les membres de l’équipe crée une bulle de soutien pour accompagner chacun dans sont chemin individuel.


Cette connexion avec soi et avec les autres permet à chacun de grandir en confiance au sein du groupe. Dans le débriefing, le focus sur les sentiments et le processus vécu permet aux participants de se dévoiler dans toute leur authenticité. Il n’y a pas de bons sentiments, tout ce qui émerge est accueillis avec bienveillance et autorisé dans la verbalisation. Cela permet enfin aux participants de se connecter avec leur créativité qui a parfois été longtemps mise de côté. Être authentique, c’est faire corps avec ses valeurs, ses rêves et ses envies ; cela permet à chacun de jouer franc jeu et de retrouver sa direction. Quand j’étais adolescente, les temps de modelage m’ont toujours fait un bien fou pour me rendre compte de ce qui était important pour moi. Je crois que je ressentais ce que certaines personnes touchent à travers la médiation. Pratiquer une activité manuelle permet de se décentrer de son cerveau mais aussi de se concentrer sur son corps tout en étant dans une ambiance bienveillante de partage avec d’autres.


2) L’expression corporelle


Le modelage, à travers cet atelier c’est le plaisir du toucher. On utilise ses mains pour apprécier le contact avec la terre et non pour réaliser quelque chose (écrire, prendre un objet, taper…). Les participants sont invités à reprendre le dialogue avec leurs mains.



Pendant les 30 minutes de création personnelle, ils ne peuvent pas parler. Le facilitateur clôt le principal canal d’expression pour en ouvrir un autre. Le bandeau sur les yeux permet de faciliter encore plus ce processus car avec les yeux ouverts, les participants ont dû mal à se couper de leur perception et du regard des autres.


3) Une expression artistique


Pour permettre à chacun de lâcher prise et d’arrêter de répéter les sempiternelles « Je ne sais pas dessiner », « Je ne suis pas créatif », le premier exercice d’œuvre collective est indispensable afin de créer l'état d’esprit adéquat. Je discutais récemment avec une professeure d’arts plastiques qui me partageait sa difficulté à animer des ateliers avec les adultes. Elle me confiait que la majorité d’entre eux se bloquait complètement et n’arrivait pas du tout à réaliser quelque chose sous prétexte d’être peu manuelle, peu créatif, maladroit dans le dessin… Je lui ai expliqué alors le pouvoir de ces exercices d’œuvres collectives comme le cadavre exquis (dessin ou écriture) mais aussi les mandalas où les participants ont une règle qui les empêche de garder le contrôle sur le résultat. Cela leur permet de se concentrer sur la joie du processus créatif. Pendant ma dernière formation, une participante a suggéré une activité qu’elle pratique avec les enfants pour les sensibiliser à cette question. Elle les fait dessiner en équipe puis les invite à déchirer leur production. Enfin en groupe, les enfants doivent reconstituer une œuvre collective à partir des morceaux. Cela les encourage à reconstruire quelque chose avec les membres du groupe sans s’attacher à leur quête de résultat initiale.


La terre est un média très appréciée par beaucoup de gens et pas si souvent utilisée en formation. Voilà deux exemples où je trouve qu'elle a été particulièrement pertinente en formation :

- Je l’ai choisi pour un public de personnes âgées dans le cadre d’un cycle d’intervention que je faisais à la résidence Domitys. Ces ateliers ont permis aux participants de prendre conscience de leur corps et de le considérer avec bienveillance, d'accueillir les évolutions perpétuelles de la vie : certains canaux se ferment et d’autres s’ouvrent mais aussi de se raconter via un mélange de story-telling (avec les cartes Dixit notamment) et d’exercice de toucher avec la terre.

- Une participante de la formation « Create your place » qui fait des ateliers de philosophie avec les enfants a commencé sa séance avec de la pâte à modeler qu’elle avait elle-même réalisé, en leur donnant pour consigne de faire quelqu’un ou quelque chose de courageux. Une petite fille a réalisé un escargot car il risque toujours d’être écrasé, un garçon a fait un homme car il faut être courageux pour être humain (on va tous mourir), une princesse guerrière car elle n’est pas sensé être une guerrière en tant que princesse et qu’en plus c’est dangereux d’être une guerrière... Cette première approche par le toucher a permis une introduction à la lumière de ce que vivait les enfants, une approche plus libre, avancée par le corps et non par le cerveau directement.


Enfin, l’écoute de la musique puis du silence en phase de création permet aussi de combiner les arts. Certains participants m’ont dit avoir l’impression que leur main dansait sur la terre sans contrôle par exemple.


4) Apprendre à apprendre


Ma grande passion : "Comment cet atelier développe la connaissance de soi et de ses facultés/ techniques d’apprentissage" ?


D’abord en les invitant à vivre le présent. On ralentit leur rythme en leur proposant de respecter un temps de création individuelle en silence pendant 30 minutes. Certains vivent des moments d’ennui et sont invités à les accueillir aussi en toute bienveillance. C’est une métaphore de la vie, un moment d’entrainement au cours d’un atelier qui leur permet de développer la qualité de leur éveil en se concentrant sur les différents sens.


Ensuite, en prenant le temps d’ancrer les apprentissages par l’expression de ce qu’ils ont vécu. Les connexions synaptiques se renforcent quand elles sont stimulées plusieurs fois et peuvent ainsi donner corps à l’expérience vécue. Par la parole, ils identifient un processus d’apprentissage face à un outil souvent peu connu, ils prennent le temps de revenir sur une fenêtre de pensée : « que s’est il passé pendant une demie heure, comment ai-je réagis face au média terre ? »

La pratique de l’art, comme celle des langues par exemple, est particulièrement ciblé, dans notre société contemporaine, par les croyances limitantes telle que « Je ne sais pas dessiner », « Je ne suis pas un artiste ». Croyances qui se sont forgées au cours du temps par un cercle vicieux de pratiques et de retours jugeant de l’entourage (voir mon dernier article). Par la reconnexion à leur créativité et au processus d’apprentissage, cette expérience permet de surmonter ses tars ou ses talents et d’explorer de nouveaux horizons guidés par ses envies et non ses complexes.


Enfin le modelage permet de développer sa résilience. Beaucoup de participants rapportent en débriefing qu’ils ont rencontré de la frustration pendant la phase de création face à leur sculpture qui ne cessait de s’écrouler, victime de la gravité. Dans un cours de sculpture habituel (ciblé sur le résultat) les élèves ont souvent du mal à respecter les nombreuses contraintes de la terre pour arriver au bout de leur réalisation (attention aux bulles d’air pour que ça n’explose pas au four, au poids de la terre pour que ça ne s’affaisse pas, à bien emballer pour que ça ne sèche pas…). Lorsque je réalise cette expérience en atelier d’accompagnement, je suis souvent face à des débutants, qui sont venus pour développer leur connaissance de soi et passer un bon moment en groupe. Ils sont donc confronté à un média avec lequel ils ne sont pas familiers et cela constitue un défi en soi. C’est une nouvelle fenêtre d’apprentissage qui s’ouvre à eux : "Comment je fais pour m’intéresser à cette terre devant moi sans savoir comment m’en servir ?"


J’espère que cet article vous encouragera à utiliser plus de terre dans votre quotidien, en famille ou en atelier pour ceux qui travaillent au contact des publics. Si vous avez des questions sur le processus, je serais ravie de vous répondre. Vous pouvez aussi en profiter pour partager des expériences d’ateliers avec la terre en commentaires pour en faire profiter la communauté de lecteurs et me donner de l’inspiration.

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