Mieux mémoriser
Une des grandes difficultés de l’apprentissage est la mémorisation. J'ai souvent entendu dire que la pédagogie en trois mots c’est : « Répéter », « Répéter » et « Répéter ». Comme le montre le livre Une tête bien faite de Tony Buzan, notre mémoire à tous est exceptionnelle et il faut apprendre à la connaître pour mieux s’en servir. Aujourd’hui, je dédie cet article aux mécanismes de réactivation, c’est à dire au fait de revenir sur une connaissance, juste après une séance d’apprentissage, 24h, une semaine puis un mois après afin qu’elle soit ancrée dans la mémoire à long terme.
Courbe de l'oublie et courbe de la réactivation pour compenser la perte de mémoire
Pour cela en tant qu’enseignant/ formateur vous pouvez utilisez de manière ritualisée, des mécanismes qui permettent à vos apprenants de réactiver un contenu. Dans notre cerveau, il y a des synapses, ce sont des liens entre les neurones, qui se renforcent si l’expérience est répétée. Ainsi si vous abordez un contenu nouveau sans le réactiver, celui-ci sera perdu. C’est ce qu’on appelle l’élagage synaptique qui nous permet de ne pas avoir le cerveau trop plein de connaissances/ souvenirs.
C’est pour éviter la courbe de l’oubli que je vous propose des exercices qui vous permettront de procéder à toutes les phases de réactivation de manière ludique en sollicitant les grands principes de la mémoire.
1) Dessinez c'est gagné
Ce jeu auquel on a tous participé enfant est très utile pour associer des apprentissages à des visuels. Pour cela en fin de cours par exemple, vous proposez une session de conclusion sous cette forme et invitez un à un des volontaires à venir dessiner au tableau les mots que vous leur soufflez. Cela vous permettra d'appuyer une dernière fois sur les connaissances qui vous semblent essentielles et de graver ce nouvel apprentissage dans la mémoire visuelle des élèves.
2) Time's up
Au cours suivant, le time’s up est une bonne technique pour solliciter la mémoire à travers l’élaboration de périphrases, la recherche de synonyme/ antonymes/ associations et l’expression par le corps/ la communication non-verbale.
D’abord vous invitez les apprenants à écrire les mots clefs du cours précédents ou vous leur proposez des mots que vous avez choisis. Vous récoltez les papiers et vérifiez qu’il n’y a pas trop de répétitions. Vous pouvez décider de jouer tous ensemble ou de faire des équipes.
A chaque tour, un participant volontaire va se saisir d’un mot et essayer de le faire deviner à son équipe. Dès qu’un mot est trouvé, il peut passer au papier suivant pour en faire deviner le plus possible en 1.30 min par exemple.
C’est un jeu très amusant qui se déroule en 3 phases :
- d’abord les volontaires qui font deviner les mots peuvent dire ce qu’ils veulent pour l’expliquer tant qu’ils ne disent pas de termes de la même famille
- ensuite, ils ne pourront mentionner qu’un seul mot, en référence avec ce qui a été dit précédemment par exemple
- enfin ils devront faire deviner les mots sans pouvoir parler, seulement par le mime.
Avant de passer à une nouvelle étape, les participants doivent avoir fait deviner tous les mots et on réutilise les mêmes papiers pour l’étape suivante. Ce processus permet un ancrage du mot à travers 3 canaux différents et donc une meilleure mémorisation.
3) Tabou
Le Tabou est aussi un classique du jeu de société très facilement adaptable en formation.
Au bout d’une semaine de cours par exemple, vous pouvez proposer aux apprenants une activité d’élaboration de cartes Tabou.
En équipe, ils devront se concentrer sur un chapitre du cours pour réaliser des cartes sur les notions essentielles en inscrivant en titre le concept clef et ensuite une liste de trois mots interdits.
Une fois que toutes les cartes sont réalisées, on peut commencer à jouer en équipe ou en grand groupe à vous de voir. A chaque fois, un volontaire se propose pour faire deviner aux autres le concept écrit sur la carte sans dire les mots tabous. Le maître du jeu vérifie que les mots ne sont pas dits et contrôle le temps.
Le but est de faire deviner toutes les notions. C’est un moyen précieux de réactivation à travers l’élaboration des cartes et la recherche de mots associés.
4) Les Flash-cards
Vous pouvez utiliser les flash-cards comme outil de réactivation à un mois par exemple pour ancrer finalement l’information dans la mémoire à long terme ou comme ressource pour permettre aux étudiants de réviser leurs examens.
Exemple du recto et verso de flash-card sur les grands principes de la mémoire
L’idée est d’associer un mot avec sa définition, un concept à un symbole ou un mot avec sa traduction en langue étrangère. Vous invitez les participants à se saisir des concepts clefs du cours et à réaliser des fiches avec un élément de chaque côté qui vous permettra d’essayer de deviner le verso ou de jouer au mémory. Les flash-cards doivent être colorées, visuelles pour impacter votre mémoire.
Parfois je prépare moi-même des flash-cards pour familiariser les participants à du vocabulaire/ des concepts nouveaux. Ils se saisissent alors des outils de révision à leur manière. En général, je prends un temps dans la formation pour permettre aux participants de réaliser les leurs afin qu’ils acquiert une méthodologie efficace de révision qu’ils peuvent utiliser pour d’autres apprentissages. Il y a aussi la possibilité de réaliser ses flash-cards numériquement à travers des applications qui vous sollicitent pour réactiver le contenu (Anki).
5) Le Speed-meeting
Cette activité, inspirée du speed-dating, est très pratique pour réactiver un contenu par la discussion. C’est aussi un outil pour faire connaissance mais aujourd’hui nous nous concentrerons seulement sur l’aspect mémorisation.
A partir des notions que vous avez abordé, vous proposez aux participants d’élaborer ensemble une liste de questions qui leur permettront d’exprimer leur opinion sur le sujet. Vous pouvez aussi vous même préparer les questions à l’avance.
Les participants marchent dans l’espace et à votre signal, ils s’arrêtent en face de la personne la plus proche d’eux. Une fois que chacun a trouvé une pair, ils auront 2-3 minutes pour échanger sur une des questions que vous avez choisis pour ré aborder une notion de cours.
Vous continuez comme cela, jusqu’à avoir épuisé toutes vos questions de réactivation. C’est un outil qui s’appuie sur le pouvoir de la mémoire épisodique, de mettre les concepts en contexte pour pouvoir mieux les retenir. A force de multiplier les exemples, les informations seront stockées dans la mémoire sémantique, qui est ancrée dans le temps.
Ces 5 exercices sont à ritualiser dans vos cours. Pour des formateurs qui interviennent de manière ponctuelle, il est plus efficace de vous concentrer sur un quitte à l’utiliser une seconde fois dans la même formation. Ce sont des exercices ludiques mais qui demandent une petite phase d’adaptation afin de bien comprendre le fonctionnement, l’intérêt et les stratégies de réussite. Pour les professeurs, je vous encourage à bien expliquer les objectifs pédagogiques pour montrer aux élèves que ce sont des exercices qui s’appuient sur les grands principes de la mémoire et qu’ils peuvent s’en inspirer pour leur révision. L'idée est de parsemer vos cours de ces outils de réactivation pour éviter l’oubli ; ils vous permettront de passer un moment convivial avec vos élèves tout en faisant travailler leur mémoire à long terme.
Cet article est le dernier de ce cycle. Je vais me concentrer sur l’écriture de mon livre maintenant mais en attendant, je suis curieuse de toutes vos expérimentations, des méthodes que j’ai partagées et reviendrai dans quelques mois avec un nouveau cycle d’articles méthodologiques.